La SNCF va s’ouvrir à l’Europe occidentale

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Le déploiement de trains sur des axes rentables en Europe occidentale est pour la SNCF la meilleure façon de répondre à l’arrivée de concurrents étrangers sur les rails français, explique dans un entretien le directeur de Voyages SNCF Alain Krakovitch. 

«La concurrence s’ouvre en France. Les Italiens et les Espagnols vont se positionner sur Paris-Lyon-Marseille, là où les marges sont les plus importantes. Ils ont par ailleurs des marges importantes chez eux aujourd’hui, comme sur Madrid-Barcelone», expose M. Krakovitch. «On sait que, par exemple, (la compagnie italienne) Trenitalia va venir, probablement avant la fin de l’année», sur Paris-Lyon, rappelle-t-il. L’espagnole Renfe s’est parallèlement annoncée sur Lyon-Marseille, à une date encore indéterminée. «Une des manières de riposter, c’est assez naturellement de se positionner sur des dessertes aussi rentables dans un terrain de jeu qui n’est pas seulement l’Hexagone, mais toute l’Europe de l’Ouest», tranche le patron des TGV. «Une bonne riposte à cette arrivée de la concurrence est de faire du volume à l’étranger.» «En l’occurrence, en Espagne on concrétise», dit-il, alors que la SNCF lance ce lundi des TGV à bas coût Ouigo face à la Renfe sur Madrid-Barcelone. 

«Et quand Trenitalia vient en France, on regarde ce qu’il se passe en Italie», ajoute-t-il, sans autre précision. M. Krakovitch voit aussi dans l’expansion hors des frontières une façon de combler les trous creusés par la pandémie de Covid-19. «La SNCF a perdu 5 milliards de chiffre d’affaires en 2020, on a un début d’année 2021 qui est difficile», rappelle-t-il. «Mais notre conviction, c’est que pour compenser cette perte de chiffre d’affaires il faut aller chercher plus de clients et qu’on remplisse nos trains. (…) En ce sens, même si la situation économique est difficile, on a choisi de se développer en Europe de l’Ouest pour répondre à cette difficulté.» De plus, ajoute-t-il, «on y va pour le report modal et faire en sorte qu’il y ait moins de voitures sur les autoroutes». 

Eurostar et Thalys fiancés : «Le «vert» est une mission et une stratégie», affirme-t-il, regrettant un peu que, «jusqu’à présent, on n’est pas parvenu à utiliser le fait que le train est la solution écologique comme un argument business». Mais la SNCF devait-elle s’engager dans l’aventure du Ouigo en Espagne – où elle doit développer son réseau d’ici à 2023 -, un investissement de 600 millions d’euros, alors qu’elle accumule les pertes? «On s’est évidemment posé la question d’abandonner le projet et tout le monde aurait compris qu’on n’aille pas en Espagne», répond Alain Krakovitch. Mais «c’est cohérent avec notre stratégie», affirme-t-il, «au-delà du fait que l’opération était déjà engagée et on n’aurait pas récupéré 600 millions». «Enfin, c’est 600 millions aux bornes de Ouigo, et pas de la SNCF», ajoute-t-il. «Parce que Ouigo a racheté les rames à la SNCF» et s’est endetté pour lancer son développement en Espagne. Plus au nord, les regards se tournent vers la compagnie transmanche Eurostar – filiale à 55% de la SNCF – qui est quasiment à l’arrêt et au bord du dépôt de bilan.Elle devrait bientôt être refinancée avec la caution de ses actionnaires, ce qui va permettre de relancer le chantier de sa fusion avec la compagnie franco-belge Thalys – une filiale à 60% – elle aussi très éprouvée par la pandémie. «Les pertes rendent encore plus pressante la fusion que j’espère avant la fin de l’année», indique Alain Krakovitch. «Mais les travaux ont été retardés par le Covid: nous avons eu d’autres priorités!»