Le gouvernement avait prolongé les soldes d’hiver de deux semaines, jusqu’à mardi, pour favoriser l’écoulement des stocks; mais les Français ont continué à bouder les achats de vêtements et autres effets personnels, et les professionnels font souvent grise mine.
«Aujourd’hui, ce n’est pas du tout un jour faste». Invitée vendredi à faire un premier bilan de mornes soldes d’hiver, Sophie Brenot, présidente de la Fédération nationale des détaillants en maroquinerie et voyage, mesure les effets des inquiétudes sanitaires sur ses clientes et clients, «qui n’ont pas tellement le moral». Si la situation n’est «pas catastrophique» pour Maguy Braida, responsable d’une parfumerie du centre de Nice, «Rose de France», elle observe aussi que «les clients ont plus tendance à prendre ce dont ils besoin, qu’à se faire plaisir». Plus à l’ouest, Stéphanie Verrimst, déléguée générale de l’Union du commerce du Pays de Rennes, estime que «les soldes n’ont pas été au rendez-vous cette année». Arrivés «tardivement», «rallongés à la dernière minute», ils ont souffert de la fermeture des centres commerciaux de plus de 20.000 m2 quelques jours après leur lancement. Cela «a cassé la dynamique». Les plus touchés sont les commerçants de l’équipement à la personne. «Sur le mois de février et en prenant en compte l’ensemble des magasins compris dans notre panel, on est à -22% des ventes sur le mois de février», explique Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce (commerces d’habillement, de chaussures et de centre-ville).
Situations disparates : Ce chiffre prend en compte les magasins qui ont dû fermer dans les centres commerciaux en février. Il est d’autant plus spectaculaire qu’il compare une période de soldes à une période sans promotions, puisque, en 2020, les soldes avaient eu lieu surtout en janvier! Pour Yohann Petiot, c’est la conséquence «de l’ensemble des mesures restrictives» qui ont perturbé la période. «Les soldes ont démarré le 20 janvier», rappelle aussi Sophie Brenot. «Au milieu du mois, le budget des clients a déjà été en partie utilisé, avec beaucoup de ventes privées, de promotions sur internet.» Et puis «avec les restrictions et le télétravail, les gens sortent moins, il y a moins de mariages, de voyages…» Certains s’en sortent mieux : ceux qui ont pu passer entre les gouttes des fermetures administratives, déjà, profitent d’un «report de consommation des magasins fermés», observe Yohann Petiot. Toujours sur la base d’un panel d’une quarantaine d’enseignes représentatives du marché de l’habillement, coréalisé avec Retail Int, il observe que ceux qui étaient ouverts en février ont connu une progression de leurs ventes de 28%. Ces magasins ont aussi pu profiter d’un décalage des soldes. En outre, certaines zones géographiques sont mieux loties, en banlieue parisienne ou en Normandie par exemple, ainsi que certaines catégories de biens. «Le secteur de la maison s’en tire bien, la tendance par rapport aux soldes de l’an dernier est même en augmentation», ajoute Bernard Chaix, propriétaire d’un magasin d’ameublement à Nice et vice-président de la Chambre de commerce (CCI) locale. Pour Rémy Langlois, vice-président de la CCI du Pays de Rennes, «le prêt-à-porter va être amené à revoir son modèle économique», avec un point de vente physique qui «perd de son attractivité». La situation a encouragé la transition numérique, mais «pose des problèmes de trésorerie aux commerces qui n’ont pas pu liquider leur stock et voient déjà arriver les nouvelles collections alors qu’ils ont peu d’argent dans les caisses.»