Thierry ARDISSON : «Quand c’est trop, c’est Tropico» : ça ne veut rien dire ! Mais la musique des mots est hyper efficace»

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Avant d’être l’animateur TV que tout le monde connaît, Thierry Ardisson a travaillé dans la publicité pendant près de 15 ans. On lui doit de nombreux slogans, comme pour Lapeyre, Ovomaltine, Tropico… Pour le 1000ème numéro de mediaCom’, il revient sur ses années passées dans la publicité et dresse un regard critique sur l’évolution du secteur. 

MEDIACOM’ Homme de télévision, vous êtes aussi à l’origine de nombreux slogans pour les marques. Comment s’est construite votre carrière dans la publicité ? 

Thierry ARDISSON J’ai fait 15 ans de pub, avant de faire 40 ans de télé. Dans ma carrière pub, il y a eu deux époques. À la fin des Années 60, j’ai débarqué chez TBWA, au moment de la création de l’agence. Nous avons fait de la pub new-yorkaise, très basée sur la qualité de l’accroche. Ensuite, à la fin des Années 70, j’ai créé ma propre agence de publicité: Business. Le format publicitaire de 8 secondes existait, mais personne ne l’utilisait. Nous avons été les premiers à utiliser ce format pour nos clients, notamment à travers des slogans accrocheurs. 

MEDIACOM’ Quels souvenirs gardez-vous de vos années dans la publicité ? 

Thierry ARDISSON C’est durant la période Business que j’ai trouvé «Lapeyre, y’en a pas deux», «Chaussée aux Moines : Aaamène», «Ovomaltine, c’est de la dynamique», «Quand c’est trop, c’est Tropico». Beaucoup de ces slogans sont encore dans la mémoire collective. Dans ce métier de créatif de pub, on était condamné à trouver. Nous étions payés une fortune, nous étions des petites vedettes, mais nous devions faire preuve d’une réelle créativité. Sinon, on était viré ! 

MEDIACOM’ Comment avez-vous trouvé certains slogans, à l’instar du célèbre «Lapeyre, y’en a pas deux» ? 

Thierry ARDISSON Pour Lapeyre, c’est cliché, mais c’est la réalité. Un jour, je rentre chez moi à 17h00. Je fais couler un bain, j’allume un pétard, et je me dis qu’il faut que je trouve une idée. Le génie c’est de savoir s’obséder. Et là, d’un seul coup, va savoir pourquoi, l’idée est venue : «Lapeyre, y’en a pas deux». Et c’est encore utilisé aujourd’hui. Le principe d’un slogan est d’être simple, malin et mnémotechnique. Prenons par exemple «Quand c’est trop, c’est Tropico» : ça ne veut rien dire ! Mais la musique des mots est hyper efficace. 

MEDIACOM’ Le monde de la publicité, ça vous manque ? 

Thierry ARDISSON Oui, ça me manque. J’ai toujours dit aux gens de la pub qu’ils devaient me donner des campagnes à faire. Ça me manque. J’aime beaucoup la pub, et je n’ai jamais craché dans la soupe. La pub a été ma grande école. J’ai décidé de quitter ce monde-là car je devenais dingue à force de devoir expliquer pourquoi telle eau minérale était meilleure qu’une autre… À force de vendre des yaourts, j’avais du fromage blanc dans la tête. 

MEDIACOM’ Aujourd’hui, trouvez-vous des idées créatives pour des marques à la télé ? 

Thierry ARDISSON Oui, évidemment ! Il y a encore de bonnes idées, mais la pub a perdu de son importance. Ce n’est pas la faute des réseaux sociaux, c’est la faute des cost-controllers. Après avoir tué la pub, ils ont tué la télé. Les géomètres ont remplacé les saltimbanques. 

MEDIACOM’ En juin 2023, France 3 a diffusé votre documentaire «L’Âge d’Or de la Pub». Réfléchissez-vous à une suite ? 

Thierry ARDISSON En faisant ce documentaire, j’ai rendu à la pub ce qu’elle m’a donné ! La pub, c’était génial, mais c’est désormais géré par des gens qui ne sont pas géniaux. Mon documentaire était assez complet, mais nous avons oublié quelques campagnes. Un éditeur m’a contacté, je travaille sur le livre, je vais ajouter ce que j’ai oublié.