B. VITE (dentsu) : «Les marques savent aujourd’hui que le greenwashing comporte des risques»

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À l’heure où sobriété et responsabilité s’imposent, dentsu France a déployé une nouvelle feuille de route pour s’adapter à de nouveaux impératifs pour une consommation plus responsable. Zoom sur l’agence dentsu France, devenue Société à Mission, avec Barbara VITE, Head of Research & Insights chez dentsu France.

MEDIACOM dentsu est devenu Société à Mission. Qu’est-ce qui a changé dans votre manière de concevoir la communication ? 

Barbara VITE Au début, il s’agissait de définir et proposer des solutions aux clients qui souhaitaient également s’engager, puis progressivement d’intégrer les éléments structurants de la publicité responsable dans notre façon de travailler avec tous nos clients : depuis le brief créatif jusqu’à la stratégie des moyens. Notre département études & mesure, dentsu insights, a même été labellisé DESI (Data Ethic & Sustainable Insights). Dans cette démarche et pour mieux onboarder nos équipes, nous avons mis en place en 2024 un parcours de formation autour de la durabilité de l’entreprise et la communication responsable, qui a été suivi par plus de 200 collaborateurs dentsu jusqu’à présent, en plus des Fresque du climat et Fresque de la Publicité. 

MEDIACOM Quelles sont les attentes réelles des consommateurs en matière de responsabilité sociale et environnementale ? 

Barbara VITE Ce que nous avons observé, c’est que le consommateur d’aujourd’hui est un peu «dubitatif», 2/3 des Français déclarent vérifier, au moins occasionnellement, les affirmations sociales et environnementales des marques. Dans notre étude, 64% nous ont dit avoir déjà cessé d’acheter une marque suite à une rupture de confiance, et ce chiffre monte à 76% chez les moins de 25 ans. Pour la moitié d’entre eux, la rupture a été définitive. Les marques savent aujourd’hui que le greenwashing comporte des risques, d’ailleurs on constate que certaines d’entre elles ne communiquent plus sur leurs engagements… et c’est dommage, car il y a de réelles initiatives, très structurantes pour l’industrie, que l’on ne découvre que dans les conférences RSE et qui sont peu connues du public. 

MEDIACOM Comment les agences mesurent-elles désormais l’impact des campagnes ? 

Barbara VITE Je dirais que la mesure de l’objectif initial reste le moteur principal, et c’est tout à fait normal. Mais la mesure de l’impact environnemental a été intégrée par certains annonceurs de façon pérenne et avec une réelle ambition : construire une trajectoire, aligner la communication sur les objectifs de l’entreprise. Notre équipe en charge de la mesure carbone est constituée de profils séniors issus de l’analyse de la performance, ce qui permet d’avoir des recommandations éclairées par cette double culture. 

MEDIACOM Quels dispositifs concrets peuvent être mis en place pour allier performance marketing et sobriété ? 

Barbara VITE La sobriété, c’est faire moins, mais mieux. Un concept simple et plein de bon sens en réalité. Certains dispositifs existaient avant que l’on se parle de carbone: vérifier l’impact potentiel des contenus, choisir des environnements de diffusion de qualité pour garantir visibilité et adhésion. Et pour garantir la maitrise de l’empreinte carbone des campagnes, ne pas hésiter à imposer un cahier des charges intégrant l’éco-production et l’éco-diffusion. 

MEDIACOM Quels sont les grands leviers de votre politique de décarbonation ? 

Barbara VITE La mesure carbone dans toute sa chaine de valeur a été un gros travail de recherche chez dentsu il y a un peu plus de 3 ans maintenant. Aujourd’hui, nous avons un benchmark de plus de 2.000 vagues mesurées, la plupart du temps en cross media, avec une granularité nous permettant de proposer des recommandations et d’objectiver des réductions réalistes et tenant compte des objectifs de communication. Les leviers, nous les connaissons tous aujourd’hui et ils concernent majoritairement les environnements digitaux, dont les usages s’accélèrent à une vitesse spectaculaire : travailler sur le poids des fichiers, repenser la façon dont on achète le programmatique, baisser le volume d’impressions… 

MEDIACOM Globalement, les annonceurs jouent-ils le jeu en matière de communication responsable ? 

Barbara VITE Les niveaux d’engagements sont extrêmement variés en réalité, et parfois on peut être surpris entre les profils des entreprises qui se lancent vs celles qui n’y sont toujours pas. Certaines entreprises ont pris le sujet à tous les niveaux et sont dans la construction de leur nouveau modèle de communication. D’autres testent mais peuvent être amenes à déprioriser facilement…il faut aussi prendre en considération que pour mettre en place toutes ces solutions, il y a un investissement : des équipes chez l’annonceur, qui doivent s’approprier le sujet, des agences, qui doivent s’adapter tout en préservant les objectifs définis dans les contrats, et enfin quelques ressources, modestes, mais pas toujours prévues dans le budget de départ.