Une nouvelle manche judiciaire dans le bras de fer les opposant au géant américain : 2.480 chauffeurs de taxis ont demandé vendredi à la justice un total de 455 millions d’euros de dommages et intérêts contre Uber, qu’ils accusent de concurrence déloyale.
Pendant près de trois heures vendredi après-midi, les deux camps se sont renvoyé dos à dos leurs arguments, sous le regard et parfois les applaudissements de plusieurs dizaines de chauffeurs de taxis présents à l’audience.
Le tribunal de commerce de Paris rendra sa décision le 18 décembre. Depuis son implantation en France il y a plus de dix ans, l’entreprise américaine a été visée par de nombreuses procédures judiciaires, mais celle-ci est inédite par le nombre de taxis – 2.480 chauffeurs et neuf associations – ainsi que par le montant des indemnisations réclamées – environ 455 millions d’euros pour le seul préjudice économique. Ils avaient assigné Uber France et Uber BV en février 2021, se fondant sur une décision de la Cour de cassation, qui avait près d’un an plus tôt, le 4 mars 2020, jugé que le statut d’indépendant d’un ancien chauffeur de la plateforme était «fictif» et qu’il devait être considéré comme un salarié. Au-delà des demandes indemnitaires, et la réparation d’un préjudice économique chiffré à plus de 9.300 euros en moyenne par chauffeur et par année d’exercice, les conseils des taxis ont demandé au tribunal de sanctionner le «modèle Uber», et sa «violation du droit du travail français». «La mesure la plus appropriée pour mettre fin au trouble commercial issu de cet acte de concurrence déloyale» est «d’enjoindre à Uber de salarier tous ses chauffeurs VTC», avec une astreinte journalière de 1,7 million d’euros en cas de non exécution de la décision, a plaidé l’un des avocats des taxis, Etienne Feildel. «Il n’y a pas une loi en France qui impose le salariat généralisé», a rétorqué l’avocat d’Uber, Yoann Boubacir, taclant une «demande d’injonction de salarier 30.000 personnes que même la justice prud’homale refuserait». «Si vous faites droit à cette demande, vous allez vous transformer en guichet», a-t-il ironisé. Depuis la décision de la Cour de cassation, «99% des chauffeurs VTC n’ont pas demandé leur requalification», a-t-il encore relevé, et dans «60% des cas» du 1% restant, les demandeurs n’ont pas obtenu gain de cause, selon la défense d’Uber. «L’objectif de cette action, c’est juste d’obtenir l’éviction d’Uber du marché», a déploré Me Boubacir.
Dans un dossier distinct, la plateforme a été condamnée le 4 octobre par la cour d’appel de Paris à indemniser 149 chauffeurs de taxi en raison de la concurrence déloyale liée à l’activité de son ancien service UberPop, fermé en 2015. En janvier, le conseil des prud’hommes de Lyon avait condamné Uber à verser quelque 17 millions d’euros à 139 chauffeurs et à requalifier la relation qui les liait à la plateforme en contrat de travail.