Uber Eats, Deliveroo : le système automatisé des plateformes menace la santé physique et mentale des livreurs

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De l’attribution des courses aux modalités de rémunération, en passant par les sanctions, tout est géré par des processus automatisés, avec des risques physiques et mentaux pour la santé des livreurs, rapporte l’Anses. «On bombarde, on prend des risques, c’est l’application qui veut ça, mais c’est super dangereux», témoigne Vany, livreur depuis 2016 pour différentes plateformes, dont Deliveroo et Uber Eats. Plusieurs fois, Vany a fait des «petites chutes», le forçant à aller «travailler en boitant, mais chaque année des livreurs meurent en prenant des risques. J’y pense souvent», indique celui qui partage sur les réseaux sociaux son quotidien de livreur. Pour Henri Bastos, directeur scientifique santé et travail à l’Anses, «avec cette utilisation de technologies numériques pour attribuer des tâches de travail, les évaluer, surveiller les performances des travailleurs, les sanctionner, les livreurs n’ont pas de marge de manoeuvre, de négociation possible, ni de soutien d’une personne physique qui pourrait répondre aux difficultés rencontrées sur le terrain», décrit-il. En découlent des accidents de la route, des chutes, des troubles musculo-squelettiques et des atteintes à la santé mentale: «stress, fatigue, épuisement liées à la pression constante des notifications, à l’isolement et à l’absence de relations professionnelles stables». Les livreurs des plateformes souffrent aussi de troubles du sommeil, de maladies métaboliques, respiratoires ou cardiovasculaires liées à l’activité exercée en horaires atypiques, dans un environnement de travail difficile: pollution urbaine, bruit… 

«Protection insuffisante» : Il y a aussi des «conséquences socio-familiales: pour s’assurer un niveau de vie décent, les livreurs vont accepter un grand nombre de courses et donc avoir des amplitudes d’horaires importantes, travailler parfois 7 jours sur 7», relève M Bastos. «Avoir une vie sociale, c’est très dur», confirme Vany, qui livre dans le quartier d’affaires de la Défense en général de 7H45 à 14H30 puis de 18H30 à 22H00, tous les jours de semaine et le samedi soir. En majorité indépendants, ces travailleurs ne bénéficient «ni d’une politique de prévention des risques adéquate, ni d’une protection sociale suffisante», souligne l’Anses. Il n’y a pas d’obligation de déclarer leurs accidents du travail. «Les désavantages du statut d’indépendant devraient être normalement compensés par les revenus, mais ce n’est plus le cas», rapporte Vany. En outre, le contexte réglementaire de cette activité est en construction. A l’échelle française, où un accord entre plateformes et syndicats fixant un revenu minimal horaire a été récemment signé, et européenne, les États membres ayant deux ans pour intégrer dans leur législation la directive de novembre 2024 renforçant les droits de ces travailleurs. Ce texte prévoit de requalifier comme salariés quelque cinq des 30 millions de livreurs travaillant sous statut d’indépendant en Europe. Les modalités de requalification dépendent des États, ce qui permet à l’Anses de formuler des préconisations. L’agence recommande ainsi aux pouvoirs publics d’imposer «une limitation et un contrôle de leur temps de travail».