Y. PONS (Reech) : «Les campagnes menées par les créateurs sont devenues le format publicitaire préféré des Français»

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Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi visant à encadrer l’activité des influenceurs en France, l’écosystème est désormais plus lisible et mieux compris par les consommateurs. L’occasion pour mediaCom’ d’évoquer l’impact de la loi Influence avec Yannick PONS, Creative & Business Strategy Director chez Reech. 

MEDIACOM Que représente le marché de l’influence ? 

Yannick PONS Depuis quelques années, la structuration du marché s’est accélérée. En 2023, près de 1 créateur sur 4 exerçait cette activité à temps plein, contre 15% deux ans plus tôt. 72% citaient la création de contenu comme leur source principale de revenus, et 83% déclaraient avoir réalisé un partenariat en 2023. Autrement dit, l’activité professionnelle et la monétisation étaient déjà des réalités concrètes avant l’adoption de la loi. Le marché de l’influence est encore très jeune, on estime son origine à 10-15 ans. 

MEDIACOM Quel a été l’impact de la loi Influence sur le marché ? 

Yannick PONS La loi du 9 juin 2023 a eu un effet structurant : elle a clarifié le cadre juridique, imposé la déclaration explicite des partenariats, et attiré l’attention des médias et du public sur certaines dérives. Mais elle n’a pas inventé le métier : elle a renforcé des exigences déjà portées par une majorité d’acteurs du secteur. Ainsi, début 2024, 75% des créateurs de contenu déclaraient avoir connaissance de la loi, mais seuls 24% constataient un changement concret dans leurs collaborations avec les marques. L’impact est donc plus symbolique et éducatif que transformateur. 

MEDIACOM Outre la loi, d’autres organismes ont-ils participé à l’évolution du marché de l’influence ? 

Yannick PONS Le rôle de l’UMICC, créée quelques mois avant la loi, joue un rôle important dans cette régulation. L’organisation a contribué à instaurer un socle de bonnes pratiques reconnu, notamment via des chartes et des campagnes d’information à destination des créateurs. Le marketing d’influence n’a pas attendu la loi pour évoluer. Ce texte a agi comme un levier de visibilité et de structuration, mais la réalité est que le métier de créateur de contenu était déjà en pleine mutation et professionnalisation. 

MEDIACOM Avec la promulgation de la loi Influence, comment a évolué la perception des consommateurs ? 

Yannick PONS L’étude Reech 2025 confirme un changement de perception dans le grand public. 82% des consommateurs comprennent aujourd’hui que les partenariats sont la base du modèle économique des créateurs de contenu, et 72% exigent la transparence sur ces collaborations. Les campagnes menées par les créateurs sont même devenues le format publicitaire préféré de 31% des sondés, loin devant la publicité TV (17%). La notion même de «créateur de contenu» est mieux maîtrisée : en 2023, seuls 28% des répondants disaient très bien comprendre cette notion, contre 37% aujourd’hui (+9 pts). Ce changement marque une meilleure acceptation culturelle du métier, notamment chez les 18–34 ans, qui sont 71 % à connaître précisément ce rôle. 

MEDIACOM Constatez-vous une évolution du profil des créateurs de contenus ? 

Yannick PONS La promulgation de la loi Influence a permis de faire le ménage. Globalement, entre 2023 et 2024, les influenceurs ont reçu autant de collaboration qu’entre 2022 et 2023. Si on regarde dans le détail, 1/3 en ont reçu moins, 1/3 en ont reçu tout autant et 1/3 en ont reçu plus. Le marché global est stable, mais les annonceurs ont fait des choix différents, et se sont dirigés vers des créateurs de contenus qui respectaient les règles. Les influenceurs provenant de la téléréalité ont perdu de nombreux partenariats. De plus, les annonceurs se tournent de plus en plus vers des créateurs de contenus spécialisés, et engagé sur des thématiques. Les formats sont aussi différents, avec davantage de demande UGC des annonceurs. 

MEDIACOM Y-a-t-il encore des limites ou des zones floues au marché de l’influence ? 

Yannick PONS Dans la loi, quelques points peuvent encore être améliorés. La loi impose aux créateurs de contenus de faire figurer la mention de la collaboration soit inscrite non pas dans la description, mais bien dans la vidéo, dans son entièreté. Or, dans le cinéma, les règles ne sont pas les mêmes concernant les placements de produits. Ces derniers sont nommés seulement dans le générique du film. Cette différence peut créer un sentiment d’injustice, une incohérence dans le traitement de la loi. 

MEDIACOM L’IA peut-elle avoir un impact sur le marché de l’influence ? 

Yannick PONS C’est un avis personnel, mais je ne pense pas. L’IA peut-être un danger pour les mauvais créateurs.